Une batterie de décrets est parue au « Journal officiel » : en application de la loi HPST, elle révise le statut de celui dont Nicolas Sarkozy a prévenu dès 2007 qu’il voulait en faire le vrai « patron » de l’hôpital. Avec ces textes, le corps des directeurs s’ouvre au secteur privé et s’adapte à l’apparition des ARS.

PAS MOINS de quinze décrets et arrêtés sont parus d’un seul coup d’un seul au « Journal officiel » du 16 mars (ils sont datés du 11) et concernent le statut, pas encore les compétences, des directeurs d’hôpital et d’établissement social et médico-social. Ce corpus représente la première salve – d’autres devraient suivre au rythme d’une par semaine – des textes d’application du volet hospitalier de la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires). Ils dessinent le nouveau profil du « patron » de l’hôpital tel que l’a voulu Nicolas Sarkozy dès le lendemain de son élection. Son recrutement, son évaluation en cours de carrière, les conditions de sa possible « mise en recherche d’affectation »… sont tour à tour définis.

Nomination : les ARS s’en mêlent.


Tout change. Aujourd’hui, le directeur et le secrétaire général de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) sont nommés en conseil des ministres ; tous les autres sont nommés par décret du Premier ministre pour 7 CHU ou par arrêté du ministre de la Santé. Les noms, sur lesquels le président du CA de l’hôpital donne un avis, sont arrêtés sur une liste de candidats émanant de la commission des carrières (paritaire, et que les décrets du 16 mars remplacent par un « comité de sélection », que les syndicats considèrent non paritaire).

Désormais, pour schématiser, deux modalités de nomination coexistent qui sont fonction de la nature de l’établissement. Les directeurs de CHU et de CHR sont nommés en conseil des ministres sur le rapport des ministres chargés de la Santé et de l’Université et de la Recherche pour les premiers, du seul ministre de la Santé pour les seconds. Tous les autres directeurs sont nommés par arrêté du CNG (Centre national de gestion). En amont, les postes seront publiés au « J. O. » comme aujourd’hui (les profils des postes vacants seront établis par les directeurs d’ARS), puis le nouveau « comité de sélection » examinera trois fois par an les candidatures ; il proposera au directeur du CNG une liste de six noms au plus pour chaque poste à pourvoir. Le patron du CNG fixera les listes définitives et les transmettra aux directeurs des ARS qui retiendront à leur tour… trois noms (après avis, pour chaque poste, du président du conseil de surveillance de l’hôpital concerné). Ces trois noms seront transmis soit au(x) ministre(s) concernés, soit au directeur du CNG. La boucle sera bouclée…

C’est également le directeur d’ARS qui pilotera le processus d’évaluation des directeurs.

Le métier s’ouvre aux non-fonctionnaires.

Jusqu’à présent, c’était possible pour six CHU seulement et avec peu de succès : mis à part l’épisode très spectaculaire qui a vu une ancienne DRH de Danone, Rose-Marie van Lerberghe, prendre les manettes de l’AP-HP, les candidats « privés » au pilotage d’un hôpital ne se sont jamais bousculés au portillon. Néanmoins, pour diversifier le recrutement des managers de l’hôpital moderne, les profils « atypiques », issus du secteur public ou du secteur privé, sont désormais bienvenus dans tous les hôpitaux, dans la limite de 10 % du total des emplois de directeurs. Ils seront recrutés sur contrats de droit public (conclu pour trois ans et renouvelable une seule fois) et leur nomination sera prononcée par le directeur d’ARS. Ces « pièces rapportées », parmi lesquelles les pouvoirs publics rangent volontiers les médecins, devront suivre une formation spécifique avant de prendre leur poste.

• La recherche d’affectation s’étoffe.

La procédure existe depuis 2005. Jusque-là, elle a majoritairement (une trentaine de cas sur à peine quarante) été utilisée à la demande de directeurs plutôt que par l’administration comme solution de « mise à pied ». Les décrets décrivent plutôt l’opération sous l’angle de la sanction, précisant que « la recherche d’affectation prend fin, avant son échéance normale, lorsque le fonctionnaire a refusé successivement trois offres d’emploi public » et que ceci a été constaté par le CNG. Dans ce cas-ci et au bout de deux années dans tous les autres, le directeur « est placé en position de disponibilité d’office » (où il n’est plus rémunéré).

La profession accueille ces nouveautés avec circonspection (lire ci-dessous le point de vue du président du Syndicat national des cadres hospitaliers – SNCH). Pour le SYNCASS-CFDT, elles « dégradent très sensiblement les statuts et vont au-delà de ce qu’imposait la loi ». « Je connais peu de corps ouverts à la concurrence et dont l’autonomie se trouve bridée éprouvant à cela beaucoup de plaisir », commente pour sa part, pince-sans-rire, un cadre hospitalier. Peut-être le décalage entre ces décrets très techniques et les promesses présidentielles laisse-t-il un drôle de sentiment aux « vrais patrons » de l’hôpital. « Ces textes ne font pas du tout de nous des grands manitous ! », constate l’un d’entre eux.

› KARINE PIGANEAU

Le Quotidien du Médecin du : 18/03/2010

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